Brahms et les méduses
Hier soir, nous faisions la première répétition de la 4ème symphonie de Brahms. Le chef d’orchestre, pour guider notre interprétation des premières notes, a demandé aux violoncelles et altos de jouer « en imaginant des méduses à la surface de l’eau ». Rires et regards surpris dans l’orchestre, mais les violoncelles et les altos s’exécutent et la musique reprend, avec effectivement quelque chose de plus aquatique, flou et légèrement gélatineux 😝.
Tout en s’excusant d’utiliser une « image aussi pourrie », le chef d’orchestre persiste et demande ensuite aux violons de « jouer comme si vous marchiez sur l’eau en essayant d’éviter les méduses ». Et aussi surprenant que cela puisse paraître, la musique a sonné soudain de toute autre manière, beaucoup plus intéressante et homogène, avec deux lignes bien distinctes et complémentaires, sous l’eau et sur l’eau.
Car l’intention exprimée par un chef n’a pas besoin d’être particulièrement littéraire ou poétique, nul besoin d’aller chercher des références compliquées ou des citations alambiquées. Il suffit que l’intention soit claire et imagée pour qu’elle fonctionne et permette à l’équipe de s’aligner sur une « vision » commune. Or il n’y a pas de vision sans image.
Hier soir, nous sortions de l’été, il y avait quelques visages encore bronzés derrière les masques dans l’orchestre, et la première image qui est venue au chef était celle des méduses. Donc cette image était la bonne, pour ce soir-là, cette musique-là et cet orchestre-là, nul besoin d’aller chercher plus loin ni plus compliqué. Et nul besoin non plus de s’excuser : on assume son image, aussi « pourrie » soit-elle !
Et vous, quand vous entendez ce début de symphonie, vous imaginez quoi?
Et lorsque vous voyez le projet sur lequel travaille votre équipe, quelle image pourriez-vous partager avec elle pour favoriser la qualité de l’ensemble?