Couacs et Cie

zander.jpg

Un domaine sur lequel la musique et l’entreprise se rejoignent pleinement : le traitement sans pitié des erreurs, fausses notes ou couacs. Peut-être particulièrement en France, où l’esprit critique et une certaine culture du perfectionnisme ont tendance à renforcer la phobie de couacs. Au point qu'à l’école comme au conservatoire, on a tendance à les compter et retirer des points plutôt qu’à souligner les belles phrases et ajouter des points. C’est formateur certes, mais un peu castrateur aussi… J’avais une amie au conservatoire, Noémie, qui en tremblait de peur. Le trac des couacs. Son archet sautait sur les cordes de son violon, non pas comme un joli staccato mais comme un tremblement incontrôlable qui a finalement eu raison de son violon.

Benjamin Zander, le directeur de l’Orchestre Philarmonique de Boston, propose de prendre le contre-pied de nos réactions habituelles aux fausses notes, en les célébrant d’un grand “How Fascinating!”, les bras levés en Victoire, au lieu de la sempiternelle grimace d’excuse et de honte. Ma professeure de violon adorée, Agnès Reverdy, me proposait de sourire aux fausses notes, pour que ceux qui ne les avaient pas entendues ne les comprennent pas en voyant ma tête…

Si l’on s’attarde un moment sur la typologie de ces couacs, on peut en distinguer plusieurs :

Le couac de trac: l’erreur bête, jamais faite en répétition, mais juste due au stress. Dans ce cas, la cible c’est le stress et non le couac. Et on peut remercier le couac de nous signaler le stress pour s’en occuper,

Le couac appliqué : on veut tellement bien faire, jouer toutes les notes, viser la perfection, que “Bing” il y en a une à côté. Là, le souci ce n’est pas le couac, c’est le mythe de la perfection, la névrose du perfectionnisme,

Le couac nonchalant : peut-être le seul couac qui pourrait mériter sa grimace d’excuse. Pas assez pratiqué ce passage difficile, cru que sur un malentendu, ça pourrait passer…. raté. Dans ce cas, le couac est un rappel à l’ordre, un garde-fou contre la flemme, un vaccin pour la prochaine fois,

Le couac mystérieux : impossible à prévoir, jamais fait auparavant, celui qu’on n’a pas vu venir, et qui nous rappelle que “comme toujours, rien ne se fit selon les plans” (Léon Tolstoï, 1869),

Le couac planqué : seul celui qui le fait s’en aperçoit. Mais dans ce cas, est-ce vraiment encore un couac ?

Le couac est simplement un signal, une information que l’on peut remercier pour le chemin qu’elle nous montre…. mais sans s’y attarder.

En fait, oublions même un instant les couacs et inspirons-nous de la stratégie employée par Tiger Woods et son coach Butch Harmon en 2000 : cultiver et renforcer son point fort, le swing, plutôt que de s’acharner sur son point faible, la sortie de bunker. Et renoncer à tout ce qui ne contribue pas à l’expression des talents.

Car identifier ses ressources et talents, en prendre grand soin et les cultiver sans répit est à la fois beaucoup plus réjouissant et plus efficace que de chasser à tout prix les couacs.

Précédent
Précédent

Coordination spontanée

Suivant
Suivant

S’accorder